Ma maison
Est une prison.
Maison de pension
Où je ne suis qu’un pion.
Vieille et mal fagotée
Je suis mise de côté.
Ma porte est toujours fermée
Comme si j’avais été enfermée.
Lorsque j’appuie sur le bouton inutile,
Tout reste tranquille.
Je sonne, je sonne,
Je n’existe pour personne.
Une fois, ce n’est pas un rêve,
J’étais sur l’appareil qui me soulève ;
Coup de téléphone,
La fille m’abandonne.
Je reste là comme un pauvre tronc
Entre plancher et plafond…
J’attends la mort
Sans remords
Puisque je suis déjà absente
Au long de ces journées trop lentes.
Je suis une oubliée
Avec un corps lié
Qui refuse d’obéir
A mes désirs.
Ma maison
Est une prison
Où je suis prisonnière,
Non pas pensionnaire.
On me tourne, me retourne, on en rit
Telle une planche pourrie.
Je suis une pierre inerte
Qui ne sera pas une grosse perte.
Personne ne devine en moi la souffrance
Et mes envies de danses.
Je ferme les yeux
Tournés vers les cieux :
Je revois le joli pré vert
Où je roule à l’endroit, à l’envers,
Riante et chantante en déboulant
Au fond du champ.
Je me cache pour pleurer ma vie
Au fond de mon lit.
Je suis vue comme une emmurée,
Incapable de murmurer
Ni mots de douleur, ni mots de bonheur,
Ni joie, ni peur.
Si je pouvais parler,
Si je pouvais hurler,
Je crierai dans le vent haletant
Que j’aimerais prendre du bon temps.
Je suis une femme,
Oh ! Pas une grande dame,
Mais une femme avec des sentiments,
Des besoins d’amour comme une grande enfant.
Je suis pieds et poings liés,
Ma langue ne peut se délier.
Je suis une déportée
Dans un camp où j’ai été jetée.
Les larmes glacées sur mon visage
Sont des cris de détresse et de rage.
Quand viendra-t-il celui qui m’emmènera,
Qui dans ses bras me soulèvera
Pour rejoindre la vie hors de mon corps
Et retrouver une fois encore
Le monde lumineux et chaud
Où plus rien n’est faux ?