Le beau Laurent au corps musclé marche d’un pas décidé. Il est parti en chasse. Il en a ras le bol de la maison aux yeux fermés où rien ne se passe, où tout est prévisible. Ce qu’il veut c’est l’aventure ! ce qu’il veut c’est que ça bouge !
Devant lui une boite de conserve. Il lance un grand coup de pied et la boite s’envole au dixième étage de l’immeuble qui se dresse à cent mètres de lui.
Un enfant l’a vu et il dit admiratif : « waouh ! ». L’enfant ne trouve pas d’autre expression pour dire son émerveillement. Il se jette au pied de Laurent et caresse le tibia chaud et herculéen que ses deux mains ne peuvent encercler.
Laurent continue son chemin sans regard pour ce gringalet.
Autour de lui tout le monde le salue, soulève son chapeau ou sa casquette, rabaisse sa capuche ou ses yeux.
Une fille craintive s’approche. Elle a un papier dans la main. Tête baissée en signe de soumission elle ose s’adresser au beau Laurent : « vous avez perdu un billet de 50 euros en sortant votre mouchoir » Grand seigneur, l’immense Laurent lui dit de le garder. Profitant de la bonne humeur de l’homme qu’elle admire le plus au monde elle risque une demande : « pourrai-je venir vous voir ce soir ? » Laurent la regarde rapidement. C’est vrai qu’elle est belle et bien faite. Il fait pourtant le dédaigneux et lui lance : « OK, à condition que tu viennes accompagnée de tes quatre sœurs et de tes six cousines. »
Laurent décide de traverser la rue. Tous entendent les pneus crissés. La voiture réussit à piler à cinquante centimètres du bel audacieux. Le chauffeur sort de sa voiture. Il a son visage tout rouge. Il lève un poing et crie : « abruti ! enfoiré ! connard » bref tout y passe. L’inconscient continue : « tu peux pas regarder quand tu traverses ! t’es pire qu’un gamin qu’y sort de la maternelle en courant ! » Les spectateurs sont effrayés. Cet automobiliste ne doit pas être du quartier pour apostropher l’intrépide Laurent comme il le fait ! Celui que tous les habitants de la rue respectent se retourne lentement. Rien sur son visage ne traduit la moindre émotion. Le beau ciel bleu ensoleillé a quitté ses yeux. Il lève sa jambe, appuie le plat du pied sur le pare-choc et sans effort apparent il renvoie la voiture dans les six mètres du brave homme saisi de crainte et de tremblement.
Laurent continue sa promenade suivi d’une nuée de gamins qui chantent ses louanges.
Arrivé devant la boulangerie du quartier, il n’a rien à dire, aussitôt le commerçant sort avec une brassée de pains au chocolat qu’il distribue à la ronde.
Le beau Laurent s’arrête. Tous arrêtent. Que va-t-il faire ? Devant lui un camion barre la route. Tous imaginent déjà la suite.
De suite il n’y en eut pas. Le normal Laurent se réveilla, assis sur son fauteuil roulant qui l’empêchait d’aller là où il aurait voulu.
Toute ressemblance avec une personne existante n'est pas du au hasard