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19 avril 2019 5 19 /04 /avril /2019 13:38

Témoignage de Françoise, malentendante, par Marine Lebreton « C’est la vie » 12 mars 2015. Actualisé 05.10.2016 (un problème qui est toujours d’actualité !)

 

"Je te l'ai déjà dit trois fois !" ; "Mais t'as pas entendu ce que je t'ai dit ?"

Ces phrases, Françoise, 56 ans, ne compte plus les fois où elle les a entendues. Comme beaucoup de personnes malentendantes, elle se sent parfois moquée, souvent incomprise. Il faut dire que, contrairement à d'autres handicaps, les troubles auditifs ne se voient pas, ils sont de fait moins reconnus par l'entourage des personnes concernées.

Pourtant, en France, le nombre de malentendants est estimé à 5 ou 6 millions, parmi lesquels jusqu'à 400.000 sourds profonds.

Françoise a commencé à perdre des décibels quand elle avait 20 ans. Elle n'est pas sourde profonde, ni de naissance, mais malentendante. Sa surdité est considérée comme "moyenne", c'est-à-dire dont la perte de décibels est comprise entre 40 et 70. En-dessous de 40, on parle de surdités légères (ou d'audition normale). Au-dessus de 70, de surdités sévères, et au-delà de 90, de surdités profondes. On parle de personne sourde à partir de 70 décibels de perte.

 

"Les faire répéter, ça les agace"

Cette professeure des écoles confie s'être souvent disputée avec sa famille à cause de ses problèmes d'audition. "Je dois les faire répéter, ça les agace, je n'entends pas quelque chose que j'aurais dû entendre, ça agace aussi. Pourtant, ils savent bien que je suis malentendante", déplore-t-elle

Des histoires de moquerie et de dédain, Françoise en a plus d'une dans son sac. Récemment, un malentendu l'a énormément chagrinée. Elle testait pour la première fois un cours de relaxation, mais n'a presque rien pu entendre. A la fin du cours, elle a tenté d'expliquer au professeur que même si elle voulait poursuivre les cours, elle ne pourrait certainement pas revenir à cause de son audition. La réponse qu'on lui fait semble à côté de la plaque : "Vous réfléchissez. Il faut du temps pour savoir ce qu'on veut". Comme si elle n'était pas malentendante mais simplement indécise.

Trump se moque d'un journaliste handicapé qui lui pose une question lors d'une conférence de presse.

Cette exaspération des gens face à la surdité, elle la ressent au quotidien. "Quand je suis au téléphone et que j'explique que je n'entends pas, les gens font un effort mais ça ne dure jamais longtemps", poursuit-elle. "A force, on arrête tout simplement de demander aux autres et on fait semblant d'avoir compris."

Mireille Tardy, ORL phoniatre, comprend bien Françoise : "Qu'on soit enfant, adulte ou vieillard, malentendant ou sourd, on n'est pas reconnu par les autres", explique-t-elle. "On est face à un phénomène mal connu, mal toléré par l'entourage. La personne en face d'un malentendant se sent frustrée car son langage n'est pas compris par l'autre. 'Essaye donc de comprendre', 'Fais un peu attention', 'Je te l'ai déjà dit deux fois'... Les gens se plaignent mais quelque part, c'est parce qu'ils se sentent responsable de l'incompréhension".

 

"Sourde mais pas débile"

Autre problème, la surdité est comparée, bien évidemment à tort, à un manque d'intelligence. "Quand quelqu'un ne comprend pas, on se dit qu'il est peut-être un peu bête, qu'il ne fait pas attention", regrette Mireille Tardy. Françoise se souvient d'ailleurs encore de cette fois où on lui a mimé un haut-parleur dans les oreilles en lui disant, "c'est quand même drôle ces confusions que tu fais". Ce à quoi elle a répondu, cinglante : "sourde mais pas débile". Un problème bien spécifique aux malentendants, comme le soulignait Annelise dans un autre témoignage : "Dans le système français, il est mieux vu d’être myope que malentendant [...] Maintenant que tu sais que tu as un problème, reste à le confronter aux autres. Il faut avoir le cran de dire, parfois 'Désolée, je n’entends pas', et là la mine patibulaire de l’homme lambda se met en place : sourcil relevé, bouche interrogative… et si j’avais une débile, en face de moi ? La personne sourde, il faut bien le dire, est forcément un débile profond, puisqu’il n’est pas capable de communiquer relativement normalement avec son entourage."

Pour Mireille Tardy, c'est déplorable mais pas étonnant : on voit bien qu'une personne aveugle ne voit pas, mais pas qu’une personne sourde n'entend pas. "L'aveugle manque d'autonomie de déplacement. On le voit, on a donc envie de faire attention. Alors qu'on ne s’apitoie pas sur le sort d’une personne sourde, non, on ne le supporte pas, ça angoisse." C'est amplifié, selon elle, par le fait que tous les sons (graves, aigus) ne sont pas perçus par les malentendants de la même manière. "Avec l’hyperacousie par exemple, le son est distendu. Les personnes atteintes n'entendent pas certains sons mais peuvent être excédés par le bruit." C'est ce que nous explique Françoise, qui sort dégoûtée des séances de cinéma car elle ne comprend jamais tout, mais qui, à côté de ça, ne peut pas supporter le bruit des concerts. "L'entourage est excédé, pense que le malentendant joue la comédie", explique Mireille Tardy.

 

Un cercle vicieux

Ces difficultés permanentes ne sont pas sans conséquence sur la santé mentale des personnes concernées. Elles font des efforts, en vain, car l'entourage continue à les mettre sous pression. "C'est un cercle vicieux, estime Mireille Tardy. On commence, par peur, à ne plus aller chez son commerçant, son médecin, on fait semblant de comprendre, et puis c'est l'isolement, qui est encore pire chez les personnes âgées".

Pour mettre un terme à tous ces tracas, on pense bien évidemment à l'appareillage. Problème : Tout d'abord, les appareils auditifs sont très mal remboursés. Ensuite, il y a un frein physique, alors même que ce sont des appareils très légers, peu visibles. Les malentendants ont souvent du mal à avec des appareils pourtant légers et peu visibles. Porter un contour d'oreille, c'est une acceptation parfois difficile.

 

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commentaires

J
Bel article, René!... qui nous concerne. Faudra aussi dire que le soir, on est crevés, on n'a plus envie d'entendre quoi que ce soit!
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  • : René Lelièvre
  • : personnes handicapées, personnes 'normales'.... rencontres, humour....
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